Analyse de l’ « Avis n° 126 du CCNE sur les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP) » Par Luc Olekhnovitch

Que retiendra-t-on de cet avis 126 du CCNE ¹? Incontestablement qu’il est favorable à la possibilité pour les femmes homosexuelles ou célibataires de recourir à l’assistance médicale (AMP) à la procréation, plus souvent appelée PMA. C’est d’ailleurs ainsi que son président, le Pr Jean-François Delfraissy l’a lui-même présenté : « Le comité a décidé dans sa majorité l’ouverture à des demandes sociétales, c’est-à-dire non médicales, de recours à l’assistance médicale à la procréation ». Une majorité mais pas tous car un tiers des membres ont signé un avis contraire. Le président a justifié  ce recours à une AMP « sociétale « et non plus médicale  « pour pallier une souffrance induite par une infécondité résultant d’orientations personnelles ».

Le principal argument avancé est donc celui de la souffrance d’adultes. Or une bonne raison de s’opposer à cet élargissement c’est qu’on risque de mettre ces enfants en situation de souffrir en les privant délibérément de père (voir l’avis d’un pédo-psychiatre)². Ceux qui sont favorables à la procréation assistée « pour toutes » voire « pour tous  » invoquent des études montrant que les enfants élévés dans des familles homosexuelles ne vont pas plus mal que les autres. Or l’avis du CCNE reconnait que ces études sont insuffisantes et qu’il faudrait des études plus approfondies pour mesurer l’impact psychologique réel sur les enfants. Mais alors que cette absence d’informations fiables aurait dû porter le CCNE a une abstention par principe de précaution, il donne un feu vert moral à cet élargissement, tout en précisant qu’il devrait être sous conditions,  sans préciser lesquelles et en reconnaissant que c’est un tel changement anthropologique qu’il devrait être discuté lors d’Etats-Généraux de la bioéthique, discussions « citoyennes », qui doivent être organisées par le CCNE en 2018.

L’avis du CCNE ne s’arrête pourtant pas là : il maintient l’interdiction de la gestation pour autrui, au titre qu’elle est une « violence » à l’égard de ces « mères porteuses ». On ne peut comme chrétien qu’être d’accord. Le problème c’est qu’en ouvrant l’assistance à la procréation aux couples de femmes il ouvre une revendication aux couples d’hommes au nom de l’égalité et de la non-discrimination. L’arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet valide d’ailleurs le contournement par une GPA à l’étranger de l’interdiction française de la GPA . Tirant les conclusions de la possibilité d’adoption ouverte par le « mariage pour les personnes de même sexe » et de la condamnation de la France par la CEDH, la Cour de cassation conclut que l’illégalité de cette pratique n’est pas un obstacle à l’inscription de l’enfant à l’état-civil et à son adoption par le conjoint de même sexe. Ce qui fragilise de fait cet interdiction de la GPA en France ³

En fait cet avis du CCNE brise l’équilibre de la loi française sur l’assistance médicale à la procréation qui la réserve aux couples en âge de procréer dont l’infertilité a été médicalement constatée. L’un des avantages de la loi française c ‘était qu’il permettait, avec son principe de la gratuité du dons de gamètes,  de préserver la procréation assistée de la marchandisation (femmes pauvres vendant leurs ovocytes…). Or en élargissant la demande alors qu’il y a déjà pénurie de gamètes, on va forcément encourager un marché qui existe déjà à l’international : la Belgique doit importer du sperme qu’elle achète au Danemark pour répondre à la demande! La croyance qu’on va augmenter la ressource en gamètes françaises par des campagnes de promotion parait tout à fait illusoire, comme l’a bien noté l’avis minoritaire.

Ce texte se montre imprudent sur l’élargissement de l’AMP même aux femmes seules ce qui est peut-être le plus problèmatique en pratique car c’est là que la demande sociale est la plus forte. Etonnament il se  montre au contraire d’une prudence extrême en maintenant l’interdiction de l’autoconservation  des ovocytes par congélation autre que pour raisons médicales. Voir à ce sujet un excellent article paru dans L’Obs.4

En revanche il ne traite absolument pas le problème de l’anonymat de dons de gamètes: cet anonymat pose problème pour certains enfants issus d’une « insémination artificielle avec donneur » (IAD) qui expriment la souffrance qu’il y a à être privés d’une partie de leurs origines.

Aucune loi n’est encore votée mais, ce qui est grave, cet avis vient  apporter une caution morale au fait de faire naître des enfants sans pères à l’encontre de leur intérêt et de celui de la société qui doit déjà pallier à ces absences de pères.

Nous avons essayé d’alerter sur la gravité d’une dérive post-vérité de la procréation médicale et sur le fait qu’il ne fallait pas confondre la grâce légitime envers les personnes homosexuelles avec un droit à l’enfant dans une tribune parue dans l’hebdomadaire      « Réforme » du 6 juillet 2017. 5

Documents à consulter :

  1. http://www.ccne-ethique.fr
  2. http://www.lepoint.fr
  3. https://www.courdecassation.fr
  4. https://www.l’obs
  5. https://www.reforme.net